Le 8 mars, on célèbre les femmes.
C'est l'occasion de vous raconter les origines de mon engagement dans la santé auprès des femmes...
La femme et le monde de la santé
Le genre est peu pris en compte dans la recherche médicale. Par défaut, c'est le genre masculin qui prime. Les organismes masculins qui ne présentent pas de variations hormonales cycliques sont plus facilement étudiés. Inclure les femmes dans les protocoles de recherche est parfois plus complexe et plus couteux. A en oublier que les hommes et les femmes ont des physiologies différentes à de nombreux points de vue!
Alors quand arrêterons nous de penser en termes de maladie mais de patient ?
Un rapport de la Haute Autorité de Santé (HAS) publié en 2020 a ainsi fait ce triste constat et recommande de « considérer explicitement le sexe dans les essais cliniques sur les produits de santé et les actes médicaux pour que les potentielles différences soient considérées et mieux documentées. »
Pour vous donner un exemple concret : les troubles cardiaques. Les maladies cardio-vasculaires sont la première cause de mortalité dans le monde chez les femmes.
Saviez-vous que les symptômes d’infarctus les plus connus, comme les douleurs irradiantes à la poitrine, la douleur au bras gauche, la transpiration, correspondent à des symptômes ressentis principalement chez les hommes ?
Il y a très peu d'information sur les manifestations de troubles cardiaques chez les femmes qui vivent plus souvent des symptômes "atypiques" comme la fatigue inexpliquée (même malgré un bon sommeil), les vertiges, les troubles du sommeil, l'essoufflement, les douleurs abdominales, les nausées, les tensions et douleurs dans le dos, la nuque... Souvent la douleur est ressentie plus bas chez les femmes que chez les hommes et laisse penser à une indigestion. Non seulement, ces signes sont peu connus comme étant des signes cardio-vasculaires mais les femmes ont aussi tendance à négliger leurs symptômes.
Et tout ceci amène à un sous diagnostic des troubles cardiaques chez les femmes. En Suisse en 2017, il y a eu plus de décès par infarctus chez les femmes que chez les hommes alors qu'elles étaient nettement moins nombreuses hospitalisées dans les services de cardiologie des hôpitaux... Une troublante étude menée par le Journal de l'American Heart Association révèle qu'en Suède, les femmes ont 3 fois plus de risque de mourir d'infarctus en raison de l'absence d'investigation médicale et de diagnostic correct...!
Le traitement de la douleur
Des études montrent que l'on propose aux femmes moins de traitements contre les douleurs. Lorsqu'on parle de douleur, les femmes sont moins prises au sérieux et on investigue moins concernant l’origine de leurs douleurs, on va vite simplifier ou s’orienter rapidement vers des troubles d’ordre psychologique. Plusieurs études ces dernières années constatent qu’il y a un biais de genre dans la prise en compte et les décisions de traitement de la douleur entre un patient et une patiente avec une attitude moins interventionniste envers les femmes.
Il y a 6 ans, j’ai moi-même été victime d'une erreur médicale à cause d'un manque de considération de ma douleur. Le résultat ? J'ai fini par être opérée en urgence d’une péritonite, ponctuée d’une semaine d’hospitalisation. Le médecin m'avait dit que c'était une simple indigestion et ne m’a même pas fait l’auscultation abdominale de base avec les signes d’appendicite que j’ai appris plus tard lors de mes études de naturopathie…
Au-delà de la douleur, il y a moins de recherche sur les pathologies féminines. Comment se fait-il que les laboratoires pharmaceutiques réussissent à trouver des molécules comme celle du Viagra pour assurer une vigueur sexuelle jusqu’à plus de 85 ans mais qu’aucune solution efficace n’aient été trouvée pour soulager les douleurs des règles que subissent certaines femmes tous les mois pendant toute leur vie avec parfois de forts impacts sur leur vie quotidienne ?
Comment se fait-il que des atteintes comme l'endométriose, qui touchent près d'une femme sur 10, représentent en moyenne 10 ans d'errance médicale?
Les troubles gynécologiques
Pour la plupart des troubles gynécologiques (endométriose, SOPK, ménopause, déséquilibre hormonal…), la solution que l'on propose aux femmes et très souvent la même: les hormones de synthèse.
Ces hormones peuvent être très bénéfiques dans certaines situations mais on y a trop souvent recours et il y a peu d’alternatives proposées en médecine allopathique.
Les hormones de synthèse coupent totalement les femmes de leur cycle hormonal naturel, elles présentent des effets secondaires non négligeables (libido, humeur…) et portent des risques conséquents sur leur santé (foie, système cardiovasculaire...). On coupe ainsi les femmes de leur liberté d'agir sur leur santé en leur faisant croire que ces traitements sont la seule solution.
Lorsqu’on aborde les questions de contraception auprès de la plupart des praticiens de santé, il semble n’y avoir qu’une seule voie : celle de la pilule contraceptive.
Quand y aura-t-il de vraies alternatives proposées aux femmes concernant leur santé gynécologique et hormonale ? Nous sommes loin d’avoir les clés en main pour choisir et décider du traitement que l’on va suivre, connaître les pours et les contres de chaque solution et pouvoir en mesurer les conséquences sur notre organisme et notre vie quotidienne. Quand pourra-t-on parler de véritable choix éclairé des femmes pour leur santé ?
On bénéficie aujourd'hui d'un environnement social plus favorable concernant le droit des femmes car on ne peut plus ignorer ces questions de sexisme aujourd’hui. Malheureusement, il y a encore et toujours de vraies injustices dans la santé.
Je suis indignée par le manque d’écoute et de considération dont les femmes sont victimes dans l'accompagnement médical, j’en ai des témoignages chaque semaine en tant que naturopathe.
Alors au quotidien, je ne vis pas mon métier de naturopathe comme un combat mais ces différentes considérations m'animent et j'essaie, à mon échelle, de sensibiliser et de proposer un véritable accompagnement complémentaire à ce que propose la médecine aujourd’hui pour que les femmes puissent se sentir actrice de leur santé.
« Alors que les inégalités entre les femmes et les hommes sont très majoritairement reconnues par l’opinion et dans tous les secteurs, cela ne semble pas avoir d’effet concret ou immédiat sur l’évolution de la situation réelle des femmes. »
Extrait du rapport sur l’état du sexisme en France, Janvier 2023
Pour aller plus loin...
Le podcast La salle d'attente, un podcast qui expose les porblèmes de prise en charge de la santé des femmes dans le monde médical et la recherche.
Références
Barr A, Eilat-Tsanani S. Prescribing Analgesics for Low Back Pain: Is There a Gender Difference? J Womens Health (Larchmt). 2022 Jan;31(1):79-83. doi: 10.1089/jwh.2021.0039. Epub 2021 Oct 6. PMID: 34619048.
Samulowitz A, Gremyr I, Eriksson E, Hensing G. "Brave Men" and "Emotional Women": A Theory-Guided Literature Review on Gender Bias in Health Care and Gendered Norms towards Patients with Chronic Pain. Pain Res Manag. 2018 Feb 25;2018:6358624. doi: 10.1155/2018/6358624. PMID: 29682130; PMCID: PMC5845507.
Emission de la RTS, dans le magazine 36.9° - La médecine est-elle encore sexiste ?
Rapport 2023 sur l’état du sexisme en France, Janvier 2023
Sexe, genre et santé, rapport de la Haute autorité de santé datant de 2020
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